Jean Pierre BONNET est né le 2 août 1879 à Saint-Brieuc-de-Mauron et est décédé le 21 juillet 1916 à FLAUCOURT (Somme) Il était lieutenant dans le 1er Régiment d’Artillerie Coloniale.
Durant la guerre 14-18 les lieutenants ont subit d’énormes pertes humaines en proportion des hommes de troupe. Ce sont les lieutenants qui donnaient l’assaut armés seulement d’un revolver. Ils étaient la première cible des lignes ennemies.
Voici les cartes postales qu’il a écrit aux siens lorsqu’il était au front, elles sont publiées sur le site.
Date : 28 Octobre 1914 – Expéditeur : Jean Bonnet – Destinataire : Marie Bonnet : Depuis la réception de tes premières lettres je t’écris souvent, j’ignore si tu reçois toutes mes cartes. Je pense que oui car la poste fonctionne assez régulièrement. J’ai lu un des journaux qui pourrait avoir des nouvelles du prisonnier par l’intermédiaire de la Croix Rouge. Vois monsieur Louis qui pourra te renseigner. Mais encore soit courageuse tu le reverras certainement. Tant qu’à moi tout va bien sur le champ de bataille relativement calme depuis plusieurs jours dans la région où je me trouve. Pour l’instant nous sommes très bien. Nous avons élu domicile dans un terrier à l’abri d’une montagne, nous avons rendu cet abri le plus confortable possible. Nous ne manquons de rien, nous avons reçu des vêtements chauds des compatriotes. La France est vraiment gentille avec ses enfants aussi devrons nous lui témoigner notre reconnaissance. Au revoir ma chère Marie et à Valentine mes plus affectueux baisers. Jean
Date : 31 Octobre 1914 – Expéditeur : Jean Bonnet – Destinataire : Valentine Bonnet : Ma chère petite Valentine, Tu devrais avoir bien du chagrin d’être séparée de ton papa. Les allemands l’ont pris, mais prend courage tes oncles le vengeront et le feront bientôt, il faut prendre patience, avoir du courage et ne pas te chagriner. Il restera près de toi et ta mère. Si tu voyais ces petites françaises auxquelles les allemands ont pris leur père et leur mère et brûlé leur maison. Ces petites malheureuses fuient l’horreur des champs de bataille sans la protection des soldats français, et s’en vont vers un pays inconnu, implorent le secours l’assistance publique. Ma chère petite Valentine quand tu penseras à ces petites abandonnées qui pleurent leurs parents tu auras pitié, toi qui est si bonne et tu diras je ne suis pas la plus malheureuse, apprends dès maintenant à haïr ces barbares d’allemands qui ont essayé d’envahir notre belle et paisible France mais n’y ont pas réussi malgré leur force brutale car tous les français dans un élan patriotique se sont livrés et ont opposé une résistance héroïque à l’envahissement et seront bientôt hors de France, mais la victoire demandera de grands sacrifices. Nombreuses sont déjà les petites filles qui pleurent leur père, nombreux sont les braves tombés au champ d’honneur mais la vie de la patrie en dépend et chacun doit faire tout son devoir. Ton devoir à toi ma petite Valentine, c’est d’être courageuse pour ne pas augmenter le chagrin de ta mère. Au revoir ma petite Valentine et embrasse bien fort ta mère pour moi. Tonton Jean.
Date : 7 Février 1915 – Expéditeur : Lieutenant Bonnet – Destinataire : Mme Marie Bonnet : Chères sœur et nièce, Depuis longtemps il m’a été impossible de vous donner de mes nouvelles. Aujourd’hui j’ai l’occasion de vous faire parvenir un petit mot pour vous dire que tout va bien, j’ai dernièrement reçu une lettre d’Eugène. Je vous embrasse affectueusement toutes les deux.
Date : 15 Octobre 1915 – Expéditeur : Jean Bonnet – Destinataire : Valentine Bonnet : Ma chère Valentine, J’ai reçu ta gentille carte, c’est très bien d’avoir pensé à tonton Jean qui est là-bas bien loin dans la forêt pour venger ton père et détruire ces vilains boches qui empoisonnent l’existence du monde entier ; mais les poux aidant nous aurons bientôt fini d’anéantir cette sale race qui tue les mères et qui mange les enfants. Après le monde pourra vivre en paix car avec eux disparaitront les terribles guerres qui font pleurer l’humanité entière. Du courage ma petite Valentine ton papa reviendra et tes oncles aussi, nous irons encore dans les bois cueillir les fleurs avec Voltaire comme autrefois. Mais avant il faut faire son devoir, il faut que la France sorte de ses jours douloureux plus grande et plus belle. Il faut débarrasser de son sol ces pillards incendiaires, il faut venger ceux qui sont morts. Au revoir ma petite Valentine, écrit moi souvent. Ton oncle qui t’embrasse bien fort. Jean
Date : 10 Juin 1916 – Expéditeur : Jean Bonnet – Destinataire : Valentine Bonnet : Ma chère petite Valentine, Tu dois penser que je t’ai tout à fait oublié. Non ma fille, loin de la maison j’ai été malade ce qui est la cause de tant de retard, tu me le pardonneras. D’abord, je tiens à te féliciter d’avoir fait ta deuxième communion, c’est très bien ça. Tu me disais aussi que tu travaillais pour ton certificat. Certes tu ne redoubleras pas, tu es trop intelligente pour ça. Comme ton père sera heureux de voir tous les progrès que tu as fait, car maintenant, je crois que sa délivrance n’est pas loin. Ma chère petite, tu vas peut être trouver que je ne suis pas généreux de ne rien t’envoyer pour tout ton beau travail mais tu le comprendras que pendant ces temps de guerre on désire surtout la vie. Tu vas bientôt avoir la société à Camille et sa maman, ils vont retourner à Mauron, je crois le mois prochain. Quand tu nous écriras, tu seras bien gentille de nous donner des nouvelles du pays comme tu le dis à ton papa. Tout ça nous intéresse car nous connaissons presque tout le monde. Je vais te donner l’adresse de ton oncle Jean, il y a un bon moment qu’il ne nous a pas écrit. Lieutenant Bonnet—1er Régiment Artillerie Coloniale—2e groupe—Secteur 13
Date : 22 Juin 1916 – Expéditeur : Lieutenant Bonnet – Destinataire : Valentine Bonnet : Ma chère Valentine, Depuis longtemps tu n’as pas reçu de mes nouvelles mais n’en crois pas que je pense moins à toi. J’ai passé les temps derniers une période pénible, je n’avais pas le temps d’écrire souvent. Ces jours ci je suis en permission de 4 jours à Paris, je repars samedi soir. J’aurai bien voulu aller en Bretagne mais c’est bien loin ! J’aurais passé toute ma permission en voyage. Je promène ton petit cousin Marcel qui maintenant est un grand garçon. Et toi ma chère Valentine, tu es aussi une grande fille maintenant, je voudrais bien te voir mais hélas samedi il faut que je retourne à mon poste de combat . Les boches sont encore en France et ton père est encore en Allemagne. Nous avons reçu de ses nouvelles tout récemment et se porte bien malgré tout. Il a hâte de revoir sa petite fille, qu’il prenne courage nous le libérerons bientôt. Tu donneras le bonjour de ma part à ta marraine et à ta tante ainsi qu’à Mr et Mme Louis et à madame Saillard. Sois bien aimable et reconnaissante envers eux, qui à présent, te tiennent de parents. Sois studieuse et travaille bien en attendant la fin de la guerre quand ton père et nous serons revenus. Tu pourras te reposer et te promener. Au revoir ma chère Valentine, je t’embrasse bien des fois. Tonton Jean.
Extraits du parcours militaire du 1er Régiment d’Artillerie Coloniale
Historique du 1er Régiment d’Artillerie Colonial
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France