Date : 16 Septembre 1914 – Expéditeur : Eugène Bonnet Destinataire : Marie Bonnet Lieu : Le front
Ma chère Marie,
J’ai bien reçu tes cartes, il ne faut pas te désoler, le sort de ton mari ne sera pas malheureux et il te reviendra bientôt. C’est certainement triste mais que veux tu, c’est la guerre avant tout.
Les français morts pour la France ça n’est pas le même caractère que pour l’Allemagne.
La France défend son sol et se bat pour une noble cause (…) de laquelle tout français doit faire son devoir jusqu’au sacrifice suprême.
Bien des braves sont déjà tombés, nombreuses sont les femmes qui aujourd’hui pleurent un fils, un mari, un frère. Si tu avais vu tous les champs de bataille où je suis allé… Je ne suis pas le plus malheureux.
Il y a un moyen d’avoir des nouvelles des prisonniers, la marche à suivre est parue dans les journaux, je ne peux pas te l’indi- quer car je n’ai pas (…) adresser à toi, à Mr Louis. Il passera peut-être pour te renseigner et (…) et la pire des choses devait ar- river et que je ne subisse pas le même sort (…)
Tant qu’à moi, je suis en bien bonne santé pour le moment où je trouve les combats de nuit sont très violents mais les jour- nées sont assez calmes.
Aujourd’hui je suis assis au pied d’un sapin, j’observe l’horizon ennemi depuis ce matin et je ne vois que de la terre remuée. Les allemands ont tellement peur de notre caserne qu’ils se terrent la nuit comme des lapins et pendant le jour nous attaquent mais ils n’ont pas plus de succès la nuit que le jour.
La tâche sera longue et pénible et l’hiver approche et surtout sans confort moderne. J’ai un trou dans la terre comme lit sur une latte de paille sans couverture.
Je te quitte ma chère Marie. Affectueux baisers,
Eugène