Date : 31 Octobre 1914 – Expéditeur : Jean Bonnet – Destinataire : Valentine Bonnet
Ma chère petite Valentine,
Tu devrais avoir bien du chagrin d’être séparée de ton papa. Les allemands l’ont pris, mais prend courage tes oncles le vengeront et le feront bientôt, il faut prendre patience, avoir du courage et ne pas te chagriner.
Il restera près de toi et ta mère. Si tu voyais ces petites françaises auxquelles les allemands ont pris leur père et leur mère et brûlé leur maison. Ces petites malheureuses fuient l’horreur des champs de bataille sans la pro- tection des soldats français, et s’en vont vers un pays inconnu, implorent le secours l’assistance publique.
Ma chère petite Valentine quand tu penseras à ces petites abandonnées qui pleurent leurs parents tu auras pi- tié, toi qui est si bonne et tu diras je ne suis pas la plus malheureuse, apprends dès maintenant à haïr ces bar- bares d’allemands qui ont essayé d’envahir notre belle et paisible France mais n’y ont pas réussi malgré leur force brutale car tous les français dans un élan patriotique se sont livrés et ont opposé une résistance héroïque à l’envahissement et seront bientôt hors de France, mais la victoire demandera de grands sacrifices.
Nombreuses sont déjà les petites filles qui pleurent leur père, nombreux sont les braves tombés au champ d’honneur mais la vie de la patrie en dépend et chacun doit faire tout son devoir.
Ton devoir à toi ma petite Valentine, c’est d’être courageuse pour ne pas augmenter le chagrin de ta mère.
Au revoir ma petite Valentine et embrasse bien fort ta mère pour moi. Tonton Jean.