Date : 14 Novembre 1914 – Expéditeur : Eugène Bonnet – Destinataire : Mr et Mme Grasland
Lieu : Minden (Allemagne-Westphalie)
Mes biens chers amis,
Je fais réponse à votre carte du 6 Novembre qui m’a fait un grand plaisir. Quand on est loin du pays, on aime bien recevoir des nouvelles de ses amis surtout de ceux qu’on estime comme vous.
Mes bons amis, je suis prisonnier de guerre depuis le 8 Septembre, nous avons été pris à Maubeuge où l’on a soutenu le siège dix jours.
Tu me parles de Pierre Guillon, il a été blessé à quelques mètres de moi.
Le 1er Septembre, je l’ai vu se retirer sous le feu, une balle lui a traversé l’épaule et est ressortie au milieu du dos. Il était soutenu par un douanier: «poignée de main de Dieu» Il a été pas mal de temps à l’hôpital; maintenant il est avec moi, bien rétabli.
Mon cher camarade, je ne puis rien dire de ma captivité, je ne suis pas malheureux, ma santé est excellente et je souhaite qu’il en fût ainsi pour vous deux et ton frère Ange.
Au revoir mes bons amis.
Chère Aimé,
Soit assez bon pour me permettre le reste de ma carte pour mes chères petites êtres qui me pleurent en Bretagne car comme on ne nous permet que deux correspondances par mois.
Ma chère bien aimée,
C’est bien que j’ai reçu tes quatre petits colis. Ils m’ont fait bien plaisir à moi et mes camarades pour les cigarettes, il fallait les entendre chanter «’est un oiseau qui vient de France»
Ma chère femme, je te remercie pour l’empressement que tu as mis. Les chaussettes vont me faire le plus grand bien car celles que j’avais aux pieds ne me possédaient plus que la jambe. Maintenant j’ai tous ce qu’il me faut.
J’avais acheté un gilet de laine vers le 15 Octobre et un caleçon.
Tu dois m’avoir envoyé de l’argent, je m’attends à le recevoir un de ces jours.
Ma chère femme, il y a deux minutes, je viens de recevoir 4 lettres de toi, Valentine, Louis, Mme Saillard. Je suis le plus heureux du monde de savoir que (…) est encore vivant.
Remercie mille fois ces bons amis pour moi.
Tu m’avais envoyé 5 colis, je n’ai pas reçu celui où était le tricot mais j’en ai eu un.
Souhaite le bonjour à Mr Louis.
Surtout ne te décourage pas, ayez un mental fort et ces jours malheureux seront vite écoulés et nous reprendrons la bonne vie de famille et je vous raconterai les tristes aventures de la guerre.
Mille tendresses, mille bons baisers mes chères adorées.
Au revoir et bonne santé.