Date : 30 Mars 1918
Expéditeur : Mme Debiens – Destinataire : Valentine Bonnet – Lieu : Malakoff – France
Ma Chère petite Valentine,
Nous sommes tous très fiers de voir que tu penses à nous par cette période si pénible. Certes la vie ici n’a rien de bien agréable avec les bombes qui tombent de tous les côtés, à chaque instant on se demande si notre dernière heure n’est pas là. Hier encore, il en est tombé deux à un kilomètre de chez nous, ce ne sont plus les boches qui survolent Paris, ce sont leurs canons qui nous envoient ça, je ne sais d’où. Il en est tombé un sur une église. 75 morts, 90 blessés. Sur les journaux on ne dit pas l’endroit. Jusqu’à présent à Paris on n’avait jamais su qu’il y avait la guerre mais aujourd’hui tout est changé. Il n’y a presque personne dans les rues. Tous les rideaux de fer à moitiés fermés donnent un aspect des plus tristes. Enfin, il faut espérer qu’ils ne viendront pas jusqu’à nous, nous prendrons la fuite. Nous ferons comme tant d’autres, plus de 200.000 personnes ont quitté Paris, enfin ne t’en fait pas nous nous, tu me demandes si j’ai des nouvelles de ton papa, non. J’ai été bien contente que tu en ais car nous n’avons rien reçu depuis le mois de Janvier. Il faut espérer que la délivrance est proche. Les boches sont frits, ils ont beau bombarder Paris et les alentours, ils sont condamnés, ils ont raté leur coup, il y a 8 jours on n’aurait pas pu en dire autant. La situation était considérée comme perdue mais maintenant ça va et je veux croire qu’avant peu tu auras enfin le bonheur de revoir ton papa. Par ailleurs rien à te dire, tes petits cousins t’embrassent bien des fois et tes tantes aussi.
Bien le bonjour à ta tante et ta grand-mère.