8 décembre 1915
Chers parents,
Je ne suis point à l’habitude de vous écrire ainsi souvent. Je vous dirai que c’est que j’ai du temps à moi ces jours-ci: j’en profite. Je pense sans cesse à vous et je me dis: » Papa et Maman ne se font-ils point de mauvais sang ? » Leur santé va-t-elle ? Et Françoise grande et forte les aide t’elles comme elle sait le faire ?
Qu’elle ne laisse pas maman tout faire. L’heure est à l’effort, quelle se gêne ! Il faut voir comme on s’aide ici, dans la pluie et la boue ! Au son d’une musique qui n’a rien d’enchanteur ni d’agréable pour l’oreille ! ça bombarde !
Ne vous laissez point abattre par le chagrin: Que l’espoir de se revoir tous, vous soutienne et vous garde le courage nécessaire pour faire comme nous, pour travailler jusqu’au bout.
C’est qu’il en faut du pain et des légumes pour les soldats !
Travaillez de tout votre cœur pour nous et la Patrie ! Oubliez les rancunes; aujourd’hui, personne n’a le droit d’avoir d’ennemis que les ennemis de la France. Vous me comprendrez. Je sais que je n’ai point besoin de vous conseiller les économies. Hélas, tout sera plus cher encore et bientôt.
Si vous avez reçu de Contrexeville un certificat de mon paiement, envoyez le moi de suite.
Je toucherai mon dû. J’ai donné tout mes papiers au bureau. Si le bon Dieu et et la bonne Sainte Anne me garde la joie de retourner avec vous pour toujours, je vous dirai comment c’est une chambre de détails et une caserne sur le front et bien d’autres.
Rien reçu, ni de Désiré, ni de vous Ragu, Pinson, Kervrel ont été blessés ou malades. Plus vu Odic de Concoret.
Bonjour ! Baisers d’espoir ! Bonjour au Pont-Ruelland à Mr Dolot à Marie-Louise Préderrière et ses belles-sœurs,
au cher Pierre Salmon, à tous, à tous !
Eugène Pambouc