28.07.1915 – Eugène Pambouc à sa famille.
Chers Parents,
A l’heure où je vous écris, je suis assis sur l’herbe de la plaine, face au bois Leprêtre, où je crois que nous allons ce soir : Nous sommes à 10 ou 12 kilomètres et nous allons en faire 12 encore. C’est inutile de vous dire que je suis un peu fatigué car nous avons tout le chargement.
Je viens de voir 2 bataillons qui vont au repos, ils sont sales et lassés ! Ils ont les lunettes et le tampon pour lutter contre les gaz asphyxiants. Je crois qu’on va en toucher.
Ceux qui ont été au bois Leprêtre nous on dit qu’il y a formidablement de soldats dans le coin. Le ciel est presque clair mais un vent frais et doux nous aide à moucher.
Merci les fleurs de Françoise ! Merci ! Je suis content pour cela ! Je suis avec les mêmes camarades, je suis au pays de la bière.
Je vous demande de bien penser à moi, à Désiré, à tous les soldats ! Désiré m’a écrit.
Mon cousin devra en faire du chemin pour venir où je suis !
Je vous embrasse, au revoir.
P.E. 2ème Compagnie – 2ème Section – Secteur 148
28.07.1915 – Addendum
Le soir, 28 juillet à 7 heures du soir.
Violente canonnade contre nos avions. Je constate avec plaisir que le tir de l’ennemi n’est pas bien réglé et aussi que nos avions savent éviter les obus. Le ciel est calme et la nature qui va entrer en prière est sereine aussi. Elle ne parait guère s’inquiéter de la lutte affreuse que se font les humains. Comme les éclairs d’obus qui s’allument là-haut dans le ciel, dans ce même ciel, mais plus brillantes et plus hautes, les étoiles vont s’allumer ! La lune va réfléchir son argent dans l’eau rouge du champ de combat et dans les épées ! Le soleil disparait à l’horizon dans une dernière teinte d’or, s’en va éclairer et donner la vie à la vie d’un autre coin du globe !
Ah ! Belle nature ! Que ne suis-je calme comme toi ! Que ne suis-je insouciant et aussi peu souffrent ?
Ô champs et plaines fécondes, ô bois de paix rêveuse, ô sites majestueux, je vous envie ! Je vous envie ! Mon Dieu ! Toi seul sait mon destin ! Ce destin que je ne puis lire. En ce soir, je te demande de me garder mais seulement si t’elle est ta volonté.
Donne moi la grâce d’être brave ! Donne moi un regard plus clair pour marcher dans la nuit !
Priez pour moi. Ô Marie dont le nom me fut donné et vous aussi ô Sainte Anne pour que je vous retourne mes remerciements au pied de la Scala Sancta de votre admirable basilique.
La canonnade continue…