Les familles du pays de Ploërmel dans la tourmente de 14-18
Dans les villages et les hameaux du pays de Ploërmel, la Grande Guerre a laissé une empreinte profonde et silencieuse. Quand les hommes furent appelés au front, ce sont des familles entières qui virent leurs vies basculer. Chaque foyer avait un père, un fils, un frère, un oncle parti loin, vers l’inconnu des tranchées.
Pour ceux qui restaient, l’attente devint une épreuve quotidienne. Les femmes, seules face aux travaux des champs et à la charge des enfants, trouvaient la force de continuer, même lorsque le cœur était lourd d’inquiétude. Les enfants grandissaient trop vite, entre l’absence des hommes et la peur de ne jamais les revoir.
Les lettres, écrites parfois à la lueur d’une bougie au fond d’une tranchée, devenaient des trésors. Chaque mot apportait un souffle de vie, une preuve que, là-bas, au milieu du fracas des armes, leur cher disparu pensait encore à eux. Mais trop souvent, le courrier cessait de venir, remplacé par la terrible visite du maire ou du gendarme portant une nouvelle funeste.
Dans ces campagnes, les familles apprirent à pleurer en silence, à serrer contre elles la photo d’un fils ou le portrait d’un frère, à se recueillir devant les monuments aux morts où s’alignent encore aujourd’hui les noms gravés dans la pierre. Derrière chacun de ces noms, il y a une maison endeuillée, une mère brisée, une épouse seule, des enfants privés d’avenir.
La mémoire des Poilus du pays de Ploërmel ne peut être dissociée de celle de leurs familles. Car c’est dans la force des mères, dans les larmes des enfants et dans la dignité de tous ceux qui ont attendu et souffert que se lit encore l’écho de 14-18. Leur courage silencieux est, à sa manière, une autre forme de héroïsme.



La famille GRASLAND a écrit …
✉️ Correspondance du 30 septembre 1916 à une amie

Date : 30 Mars 1916 – Expéditeur : Famille Grasland – Destinataire : Amie – Lieu : Paris (France) Chère Amie, Je pense que vous avez reçu ma lettre, nous avons écrit à Eugène et nous n’avons pas eu de réponse, nous pensons bien qu’il n’ pas reçu notre lettre. Nous serions très contents d’avoir de ses nouvelles que nous pensons bien qu’elles soient bonnes. Nous serions très contents de recevoir un mot de vous. Tant qu’à Paris rien de nouveau, toujours bien calme mais pas beaucoup de travail le soir, alors voyez, nous sommes tous en bonne santé, espérant que la présente vous trouve tous dans cet état. Recevez chère amie toute nos meilleures amitiés. Grasland – 30, rue des trois frères—Paris
Henri CHEVALIER a écrit …
✉️ Correspondance du 4 juin 1915 à son amie


Hilaire MOURAUD a écrit …
✉️ Correspondance du 15 octobre 1914 à Marie Bonnet


Le 15 Octobre 1914. Expéditeur : Hilaire Mouraud – Destinataire : Mme Bonnet – Lieu : Paris 16ème —12 rue Lalo Monsieur et Madame, Dites moi si votre mari est parti, ou est-il, je pense que vous aurez une chambre pour moi et ma connaissance si j’allais en Bretagne. Mon fils a fait toute la campagne de Belgique, il est sain et sauf jusqu’à présent, cependant il en tombe tous les jours. Tout va bien à Paris, je pense que nous serons vainqueurs. J’espère que vous êtes en bonne santé. Je vous embrasse de tout cœur sans oublier Valentine. Hilaire, 12 rue Lalo — Paris
BADOUEL Victorine a écrit …
Le 31 décembre 1915. Ma chère grand mère,
Je ne t’ai pas écris depuis un moment mais j’ai de tes nouvelles par Eugène que tu as vu pour Noël. Quel dommage que la permission de Fernand ne se soit pas trouvée en même temps. Je croyais qu’il passerait à Paris à son retour sur le front mais il n’a pas su se débrouiller.
Ma chère grand mère je t’envoie mes meilleurs vœux et bons souhaits pour 1916. Je pense que ta santé est toujours bonne. Je t’embrasse de tout cœur. Victorine.

Marcel PERRAULT à écrit …
Mardi 30 avril 1918.
Mon cher Eugène,
Je te remercie de ta lettre qui m’a fait bien plaisir de savoir que tu es en bonne santé. Samedi j’étais sur la place, j’ai reçu un coup de pierre sur le nez. ta maman est venue me rapporter chez nous. Depuis trois jours je ne vais pas à l’école à cause de cela. Je termine ma lettre, Papa et Mathurin et ta maman et Aline je joignent à moi pour te souhaiter le bonjour et moi aussi je te le souhaite. Ton ami Marcel Perrault.

Jeanne Marie JOUAN à écrit …


Ménéac, le 5 janvier 1917. Ma bien chère tante, Je t’envoie une petite carte pour vous souhaiter une bonne et heureuse année, meilleure que celle qui vient de finir, elle nous a coûté une grande épreuve en perdant mon bien aimé fils (1) et notre bon fils disparu en 1915, le 9 mai (2) à ras prier le bon Dieu pour eux et pour moi. Mon mari et les autres enfants se portent bien. Ma petite-fille est avec sa tante. Elle vous écrira un de ces jours. Votre nièce qui vous embrasse de tout son cœur. Récrivez-nous : JOUAN Voici mon adresse : Monsieur et Madame GASTARD (3), au Chauchix, Ménéac, Morbihan.
(1) Jean Baptiste Joseph JOUAN, mort le 07/12/1916 à Bras, Meuse.
(2) Alexandre Pierre GASTARD, mort le 09/05/1915, Roclincourt, Pas-de-Calais (3)
(3) Jeanne Marie JOUAN, épouse de Pierre Marie GASTARD.
Marie Reine TAILLEBOIS a écrit …


Ménéac, le 23 octobre 1916. Mon cher Alexandre, Excuse moi du retard que j’ai à te répondre. J’ai tant d’occupations tous ces temps ci. Je suis très heureuse que tu es bien. Alexandre et moi, nous le sommes très bien aussi et j’espère que la carte te trouvera de même. Je te remercie de bien vouloir être le bienveillant, tu me diras quand tu pourras avoir une permission parce qu’il faut que je fasse la tutelle avant trois mois, voilà déjà un mois que ton pauvre parrain est mort. Je n’ai donc plus que deux mois. Si tu pouvais avoir un mois, ça ferait du bien pour à … qu’elle a bien du mal, c’est elle qui fait presque tout toute seule, ta mère ne peut rien faire et ton père pas beaucoup plus. Je l’ai vu hier, elle m’a dit que ta mère était toujours pareille, si tu pouvais avoir une permission, ça ferait bien plaisir. Rien de nouveau qu’un gars, JAN (1), que tu dois bien connaître, c’est encore un de nos parents du côté des TAILLEBOIS qui est mort en Allemagne, il était prisonnier. Rien autre chose pour le moment. Ta marraine (2) et (ton) cousin qui t’aiment et pensent à toi. Marie Reine TAILLEBOIS
(1) Joseph Marie François JAN, né le 25/12/1882 à Illifaut. Décédé le 30/09/1916 à Sprottau en Allemagne (sa mère, Jeanne Marie FOLLIARD et ses deux filles sont nées à Ménéac)
(2) R. TAILLEBOIS (Marie Reine GUILLEMAUD, épouse d’Alexandre TAILLEBOIS et tante par alliance d’Alexandre JOUAN, époux de Julia LESSARD) remariée avec Pierre Marie Joseph LESNE le 24/04/1920 à Ménéac.
Eugénie AMIAUX a écrit …


Lorient (Morbihan), le 14 août 1916. Mon cher Joseph, Je viens de recevoir ta lettre et suis bien contente que tu vas toujours bien. Voilà quinze jours que nous sommes ici et on ne s’ennuie pas comme chez nous. Nous avons encore pour quinze jours. Je vois qu’il n’y a pas gros dans ton patelin, ça ne vaut pas la Trinité ; mais il faut toujours espérer. prends toujours les choses du bon côté et le temps te paraîtra moins long. Tonton Jean revient tous les 2 soirs et part le matin à 8 heures. Il m’a envoyé ta carte. je vais faire venir Aline passer quelques jours à Lorient si je le peux ; mais ce n’est pas bien facile de trouver un lit sans ce gamin ; où nous sommes nous en avons deux et nous ne pourrons pas toujours en disposer car la petite du Maître qui nous cède sa chambre vient souvent coucher avec Aline car son frère revient tous les soirs coucher à la maison et ils n’ont qu’un petit lit chez eux. je voudrais cependant bien lui faire plaisir ; là ce serait pour elle un désennui. Je t’embrasse bien.
Ta tante Eugénie.
Virginie a écrit …


La-Trinité-Porhoët (Morbihan), le 09-09-1917. Mon cher Joseph,
Deux mots pour venir te donner de nos nouvelles qui sont très bonnes et je désire de tout cœur que tu sois de même. Aujourd’hui nous avons eu des nouvelles de mes frères qui nous disent être très bien aussi. Comptes-tu bientôt revenir en permission? Il y a déjà un bon moment que tu n’es pas venu.
Les permissionnaires sont ? de ce moment. Sans doute que les permissions ne marchent pas très bien.
Le père Quinio s’est laissé mourir et son enterrement aura lieu demain matin. Mercredi nous aurons une noce de la meunière de Baussac avec un nommé Soulabail de la Madeleine, un blessé de la guerre.
À part ça, rien d’autre à te raconter.
Bien le bonjour de ma part à ton copain A. Gardahaut.
Je te quitte en te souhaitant bon courage et bonne santé.
Ta cousine qui pense à toi,
Virginie
Le père Hervé se joint à moi et t’envoie son bon souvenir.