Correspondances de poilus 1914-1918

✉️ Courriers 1915,  E.P. Ses courriers

E.P – 18 juillet 1915

18.07.1915 – Eugène Pambouc à sa famille.

Chers parents,

Je profite de l’après-midi de ce dimanche au retour d’une marche de 15 kilomètres avec tout le « fourniement » pour parler un peu avec vous.

Nous avons eu une grande fête l’autre jour : Le général en chef est venu décorer de la Croix de guerre notre Colonel qui a décoré plusieurs de ses hommes. Le régiment était au complet avec le drapeau. Nous étions immobiles avec le fusil sur l’épaule, baïonnette au canon. J’avais bien mal à l’épaule. Tu sais mieux que moi, cher papa, ce qu’on fatigue à rester aussi longtemps dans cette position. Ensuite le général nous a salué et le régiment a défilé.

Aujourd’hui le régiment tout entier était à la marche ; en passant les villes, comme c’était beau. Le drapeau était déployé et devant lui, les soldats portaient la main au képi et les civils se découvraient pieusement. En faisant cette dure promenade, j’ai vu une belle allée de pommiers bien chargés. Chez nous on les plante jusque sur les fossés, ceux-là sont plantés à un mètre de la route, sur l’accotement. Il y a aussi des poiriers peu feuillus. Les gens sont bons mais pas aussi dévoués que chez nous. Nous avons un aumônier capitaine. Il y en a un autre grand barbu qui nous dit la messe, aujourd’hui à onze heures. C’est une bien belle église que celle où la messe se dit ! Elle est garnie de drapeaux tricolores et éclairée à l’électricité. Si tu voyais comme l’église est remplie quand c’est la messe pour les soldats ! Elle est trop petite ! Il y a dans la ville des hussards et des artilleurs.

J’en ai vu des pièces casematées de campagne et des obus sous terre au travers de la claie qui les cache ! Les boches ne pourraient entrer ici ! Il pleut assez souvent, plusieurs avoines ne sont pas encore mûres ! Certains froments le sont presque. Hélas, que de terrains sont restés en friches, faute de bras ! C’est triste de voir les charrues rester souillées sous la collée ! Le pays ne vaut point le nôtre, les habitants sont bons. La nourriture reste bonne, tous les matins lavage de bobine dans la rivière. Nous avons deux quarts de vin chaque soir. Babonneau et moi fraternisons ensemble. Ce que nous aimerions une des bonnes bouteilles de bouché que j’apportai à Brest. Je crois être à 800 kilomètres de chez nous.

Comment ça va-t-il au Pays ? Que devient Françoise ? Que devenez-vous ? Les pommes belles et grosses ? Les moissons sont belles ? Tout le monde travaille ? Courage ! Ne vous chagrinez pas !    

Je vous dirai que j’ai écrit à Désiré. Bons baisers ! Bien le bonjour à marraine et à parrain, à chez Languille.

P.E – 44ème Colonial – 2ème Compagnie – 2ème section – Secteur 148.  

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