Brest, Parc d’artillerie , 17 mai 1915
Chers parents,
C’est de Brest de mon premier dépôt que je vous écris, assis, mon képi auprès de moi, sur une paillasse posée sur des planches clouées, samedi soir, la nouvelle arriva que la 3e, 4e, 5e et 6e escouades partaient de St Renan dimanche matin à 9 heures. On nous réunissait pour prendre nos noms ; et ce matin
à 5 heures 20, on nous alignait avec armes et bagages. Plusieurs avaient leur fusil et leur képi. La 1ere étape a été très dure car les courroies du sac entraient dans les épaules. Enfin, nous voici arrivés dans le même cantonnement où j’ai eu si froid cet hiver quand je couchais sur un peu de paille éparpillée et humide sur le pavé humide.
Nous sommes bien restés 1 heure avant de savoir ce qu’on allait faire de nous. On nous a tout de même permis de manger puis on nous à placés par escouade. Je suis à la 7eme avec Cagu, Verdon, Babonneau, Jambu, Lemeur, tous des bons gars. Je crois que nous sommes bien tombés avec notre caporal qui a la figure d’un bon type.
Je viens de manger la soupe et le rata de mon retour à Brest. J’ai trouvé le tout, bon. Mais je crois que je suis avec une bande de voleurs ; ils viennent de me chiper ma paillasse. Je ne serai content que quand j’en aurai barboté une autre.
Je ne crois point resté ici longtemps: On parle de départ prochain pour l’Argonne ou les Dardanelles qui sont en Turquie.
Il faut s’attendre à tout, même au pire.